Dons au musée Condé à Chantilly

Fondation La Marck

Acquisitions 2024

 

Le premier achat de 2024 a été une aquarelle de Lami qui passait chez Daguerre le 22 mars. Elle fait partie d’une petite série où Eugène Lami a représenté la famille royale au grand complet alors qu’elle est en exil à Claremont, le château mis à la disposition de Louis-Philippe par la reine Victoria où il est arrivé en mars 1848. Le duc d’Aumale y figure en bonne place, à califourchon sur une chaise devant la cheminée du grand salon. En fait, bien que Lami se partage à l’époque entre la France et l’Angleterre, il n’a pas pu faire poser toute la famille royale et utilise par exemple une photo de Claudet pour représenter les deux frères, Joinville et Aumale.

 

 

De sorte que quand Louis-Philippe veut peu avant sa mort remercier la reine Victoria de son hospitalité en lui envoyant une vue de sa famille dans le même salon mais sous un autre angle, il commande une aquarelle à Lami où on retrouve Aumale toujours à califourchon, mais cette fois-ci loin de la cheminée !  Cette aquarelle est toujours dans la Royal Collection à Windsor. Il existe encore une vue extérieure de Claremont avec les deux frères dans la même position au creux du jardin (collection Rothschild à Waddesdon).

 

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En juin 2024, retour vers les porcelaines. Le 14, dans une vente Coutau-Bégarie, nous pouvons mettre la main sur une partie de service plus rare que les brindilles, il s’agit d’un décor polychrome de bouquets de fleurs ou fleurs jetées que l’on voit souvent passer à l’unité, ce qui peut laisser croire qu’il s’agit de pièces décoratives comme les fleurs fines de Strasbourg. C’est la première fois qu’on en voyait un ensemble ; d’ailleurs Geneviève Le Duc ne le mentionne pas comme tel dans sa monographie. Il se compose de deux compotiers, quinze assiettes creuses et onze plates.

 

 

La fondation envisage de participer à sa restauration, nécessaire si l’on veut le présenter dans le nouveau musée Vatel consacré aux arts de la table.

 

Cet achat fut suivi le 22 juin de celui d’un beurrier dans une vente Actéon-Senlis, une étude devenue célèbre depuis sa découverte du tableau de Cimabue. Ce beurrier a beau appartenir au très courant service brindilles, il est rare, quoique typique des productions de Sèvres de l’époque, doté d’un plateau rond d’environ 20 cm, de deux anses carrées et verticales percées d’un trou, et d’un couvercle qui s’y encastre.

 

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Acquisitions 2023

 

Une réorganisation des activités et du mode de fonctionnement de la fondation était nécessaire, pour à la fois éviter des conventions à chaque don qui entraînent un surcroît de travail dont tout le monde se passerait, et approfondir les liens avec nos partenaires. Le moyen : des conventions triennales sur le modèle du Louvre avec versement de provisions aux bénéficiaires en début d’année. Les trois élus ont été Chantilly, Carnavalet et le CMN (Centre des Monuments nationaux). La formule a été mise en place au cours de l’hiver 2022-2023, en commençant par Chantilly. Le premier achat effectué dans ce nouveau cadre a été en janvier 2023 une paire de vases en porcelaine dure de la manufacture de Pigory et d’époque Empire. Il s’agit de grands vases ovoïdes (47 cm), décorés dans deux réserves de natures mortes de fleurs ou de fruits d’un côté, et de paysages de l’autre. Ils sont dotés de spectaculaires anses à motifs de dauphins et d’amours musiciens, ces derniers traités à l’imitation du bronze.

 

Après le départ en émigration du prince de Condé, la manufacture de Chantilly a été rachetée en 1792 par l’Anglais Christopher Potter. Tout en continuant la fabrication de porcelaine tendre, il a créé en 1795 une manufacture de porcelaine dure visant à imiter la porcelaine de Paris alors en vogue. La production de porcelaine tendre a été arrêtée en 1802, mais celle de porcelaine dure a continué jusqu’en 1870. A partir de 1803, c’est Claude François Pigory, maire de Chantilly, qui reprend la manufacture. Pour concurrencer la porcelaine de Paris, il n’hésite pas à réaliser des modèles de démonstration qui donnent dans l’opulence et la virtuosité technique ; ils sont aujourd’hui fort rares. Le musée Condé a pu acheter en 2017 un vase de ce type, à décor figurant le pavillon de Manse (qui abrite les machines permettant l’alimentation en eau des fontaines, jets d’eau et cascades du parc). Les paysages qui figurent sur les deux vases acquis en 2023 s’inspirent de l’architecture de ce pavillon tout en la réinterprétant.

 

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Le 28 mars 2023 était un jour particulièrement chargé en ventes intéressantes. Deux d’entre elles avaient retenu l’attention de Mathieu Deldicque : une vente Pescheteau-Badin et une vente Baron-Ribeyre.

 

Dans la vente Pescheteau-Badin, Mathieu nous a proposé d’intervenir sur le lot 253, un grand pot à tabac de style kakiemon avec couvercle à vis, années 1730-40, que nous avons eu mais qui a été disputé. Il manque à l’ouvrage de Geneviève Le Duc et doit donc être fort rare. Il a en outre échappé à la mode consistant à doter couvercle et socle de cerclages en métal doré, et conserve donc sa pureté de lignes originelle.

 

 

© RMN-Chantilly, Adrien Didierjean

 

Dans la vente Baron-Ribeyre, on a obtenu d’abord trois lots de pièces de forme en porcelaine émaillée blanc, qui manquaient aux collections. D’abord, deux hotteux, homme et femme, 29 et 28 cm (Le Duc p. 179). La manufacture en a produit toute une série en prenant pour modèles des personnages exotiques, dont les hottes pouvaient être garnies de fleurettes. Ensuite un putto assis, 19,5 cm, qui devait lui aussi faire partie d’un surtout (Le Duc p. 183). Enfin, une paire de « fromagers » (dixit Geneviève Le Duc, mais ce pourrait être des beurriers) à décor de barattes ovales avec une vache couchée sur le couvercle. Ces derniers font partie d’un très rare service conçu sans doute pour la laiterie attachée à la Ménagerie, et une seule autre paire de ce type est connue, au Bowes Museum (Le Duc p. 147). Même si on est loin du raffinement des pièces conçues pour la laiterie de Trianon ou celle de Rambouillet, la rusticité de ce service monochrome est fort plaisante. Sa couleur légèrement crème indique qu’il s’agit d’une fabrication antérieure à l’époque à laquelle le nouveau procédé de Claude Gérin permettant d’obtenir une blancheur parfaite a été mis en pratique.

 

 

© RMN-Chantilly, Adrien Didierjean

 

Du service proprement dit de la Ménagerie, qui est une création ultérieure où on a utilisé la couleur, on a aussi pu acquérir trois porcelaines qui viennent renforcer la collection du musée Condé. Rappelons que la Ménagerie située à l’est du grand canal vers Vineuil a été principalement l’œuvre du fils du Grand Condé ; elle hébergeait toutes sortes d’animaux, de ferme, d’ornement ou exotiques. Une ferme y était adjointe disposant d’une laiterie de préparation qui subsiste, alors que la laiterie de propreté (pour la dégustation) qui était à la Ménagerie a disparu. Le sol de cette dernière était orné de marbre comme les tables des différentes pièces. L’eau y jaillissait dans la fontaine dite du Bouillon ou par quatre bouches sur le pourtour du salon du même nom et elle était conduite dans des rigoles en marbre. Le duc de Croÿ a laissé une description émerveillée de la fraicheur du lieu, des multiples jets d’eau et du bruit de ces cascades, au milieu desquelles une collation de glaces, de fruits et de laiteries attendait les invités venus en gondole par le grand canal.

 

Pour les réceptions à la Ménagerie, la laiterie de propreté n’était pas le seul lieu d’accueil et servait naturellement surtout l’été. En hiver ou en demi-saison, il y avait aussi à droite et à gauche de celle-ci le palais d’Isis et le bâtiment Neuf, aussi appelé appartement des Tableaux. Vers 1765, un service de porcelaine plus complet a été réalisé pour les réceptions de la Ménagerie, toujours en porcelaine blanche mais orné de motifs bleus dont les grandes armes des Condé sur chaque pièce. Le musée Condé avait déjà plusieurs pièces de ce service, on a pu lui offrir un rafraichissoir à verre et deux tasses (Le Duc p. 268).

 

 

© RMN-Chantilly, Adrien Didierjean

 

On a pu continuer ces achats de porcelaine le 13 juin 2023 avec la vente Pescheteau-Badin, où nous avons eu deux lots. D’abord deux sucriers ovales couverts avec leur plateau du service brindilles. Si la platerie de ce service est abondante et se trouve facilement, il n’en va pas de même des pièces de forme. Ensuite deux gobelets et leur soucoupe de style kakiemon. Leur particularité est une forme rare, carrée contournée. Cela porte à seize pièces la contribution de la fondation à la collection de porcelaine de Chantilly, quelque peu négligée par le duc d’Aumale.

 

 

© RMN-Chantilly, Adrien Didierjean

 

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A la fin du même mois passait une pièce qui intéressait beaucoup Mathieu Deldicque : une maquette en cire du portrait équestre du connétable de Montmorency qui trône sur la terrasse du château de Chantilly. Il s’agit d’une commande du duc d’Aumale au sculpteur Paul Dubois, passée en 1878 pour un groupe en bronze de 3m 65 sur un grand piédestal en pierre, qui ne sera installé qu’en 1886. On en connaît un moulage original en plâtre dans un musée de Copenhague, qui conserve aussi une cire en mauvais état. Un modèle en plâtre aux deux tiers donné par le duc est au musée de Troyes, qui conserve lui aussi une cire. Chantilly n'avait jusqu’ici ni cire, ni plâtre.

 

           

 

Le modèle proposé fait 43cm de haut et 30 de large. Il est dans un état de conservation satisfaisant et plus proche de la version finale que les autres cires. Paul Dubois (1829-1905) est au faîte de sa carrière quand Aumale lui passe cette commande. Ce sculpteur a été étudié par Anne Pingeot qui relève le jugement prononcé à l’époque par le journaliste du Temps Paul Mantz. Ce dernier voit dans l’œuvre qu’on va inaugurer une filiation avec les groupes équestres de la Renaissance italienne. Du coup, Paul Dubois sera qualifié de néo-florentin, comme ses collègues Falguière et Barrias.

 

En 2023, les musées d’Écouen et de Chantilly ont passé un accord pour une exposition en commun sur le connétable de Montmorency. L’acquisition de cette cire s’inscrit dans les préparatifs de cette exposition.

 

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Un peu comme une suite de l’achat du nécessaire de toilette de la duchesse d’Aumale, le 8 octobre 2023 passait chez Osenat un petit nécessaire de voyage pouvant tenir dans la poche et ayant appartenu à son mari, dont il porte le chiffre (HO) sous une couronne princière. L’écrin de forme tonneau à dix pans contient une timbale en argent, une cuillère et une fourchette pliantes en argent et ivoire, une salière-poivrière et un cure-dents en ivoire, un tire-bouchon en métal, ainsi qu’une petite cuillère en argent.

 

    

 

Ce type de nécessaire est souvent appelé nécessaire d’officier, ce qui laisse à penser que le duc d’Aumale l’avait avec lui lors de ses campagnes d’Algérie. Un exemplaire similaire a été donné par Louis-Philippe au duc de Nemours. L’orfèvre qui a créé cet ensemble est Charles-Auguste Péret.

 

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Dans une vente de céramiques d’exception proposées par Fraysse le 15 novembre passait un loup en porcelaine blanche déjà signalé par Geneviève Le Duc, passé par la maison Dragesco-Cramoisan qui est une référence en matière de porcelaine et sans doute pièce unique. Il n’a pas la taille du buste de Louis XV mais fait tout de même 21 cm. Assis et la gueule ouverte, il découvre des crocs impressionnants.

 

 

Ce loup appartient à un corpus de bêtes sauvages réalisé en lien avec le zoo de la Ménagerie : lions, tigres, hyènes, singes ou léopards. On les trouve surtout en polychromie et ils ne sont pas rares dans cet état. La manufacture savait que ce type d’objets se vendrait bien. Malheureusement, l’attractivité des représentations animalières est toujours aussi forte et l’enchère s’est envolée. Au final, le financement de l’opération a pu être assuré de façon égale par la fondation La Marck et un mécène historique de Chantilly.

 

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Ont suivi encore huit achats de porcelaines : chez Daguerre, le 28 novembre, une assiette à décor polychrome de bouquets de fleurs, suivie d’une jatte du service de la cour de Parme qui rejoindra une autre pièce de ce service bien esseulée, et d’une assiette du service brindilles qui pourrait bien être un unicum. En effet, la brindille centrale est remplacée ici par les armes des Condé, toujours en camaïeu bleu. L’hypothèse qui prévaut est qu’il s’agirait d’un essai qui n’a pas eu de suite. Chez Thierry de Maigret le 5 décembre, nous avons pu acheter une ravissante écuelle à bouillon et son présentoir, dans un style kakiemon particulièrement réussi.

 

 

 

 

 

Enfin, chez Daguerre le 19 décembre, nous avons jeté notre dévolu sur deux lots disputés : d’abord deux grandes corbeilles ajourées du service brindilles, qui se distinguent des autres connues par le fait que les parties ajourées ne sont pas bordées de bleu. Puis, toujours du service brindilles deux seaux à liqueur à deux compartiments.

 

 

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Le même 19 décembre passait chez Sotheby’s Paris un dessin de Daniel Dumonstier que nous avions remarqué, et pour cause : il s’agit du portrait d’une des deux femmes providentielles de l’histoire de Chantilly, Charlotte de Montmorency (1594-1650). C’est en effet elle qui a transmis le domaine aux Condé par mariage. L’autre femme étant Sophie Dawes, baronne de Feuchères et maîtresse du dernier prince de Condé, qui a joué un rôle clé dans la dévolution testamentaire du domaine au duc d’Aumale.

 

 

Le musée Condé n’avait pas de portrait de Charlotte, hormis une miniature. Celui-ci a en outre une provenance prestigieuse, reconnaissable au titre de l’œuvre en majuscules au-dessus du dessin : la collection de Philippe de Béthune, frère du grand Sully. L’essentiel de cette collection Béthune est conservé au Louvre. Néanmoins, le musée Condé a déjà 25 feuilles de Daniel Dumonstier. Ce dernier appartient à une dynastie fort connue de dessinateurs, commençant au Rouennais Geoffroy (+ 1573), qui était son grand-père. A son mariage en 1602, Daniel est peintre et valet de chambre du roi. Il conservera sa position sous Louis XIII et sera même logé au Louvre. Toutes les notabilités du royaume défilèrent chez lui.

 

Ce portrait a été précédé d’une esquisse aujourd’hui conservée à Waddesdon Manor. Comme il est moins libre, on peut penser que l’atelier est intervenu pour le costume et le buste. Deux des enfants de Charlotte ont été portraiturés par Dumonstier : le prince de Conti et la duchesse de Longueville.

 

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Restaurations et acquisitions 2020-2022

 

En novembre 2020, le musée Condé nous a proposé par l’intermédiaire du prince Amyn Aga Khan, qui préside les Friends of the Domaine de Chantilly, de prendre en charge la restauration du cabinet des Clouet au château, tapisserie, éclairage et tableaux. Il s’agit d’un ensemble unique de 92 portraits peints par Jean Clouet, son fils François et leurs contemporains.

 

Une convention a donc été signée au début de 2021 et le chantier lancé au cours de l’été. En fin d’année, alors qu’une émission de Secrets d’Histoire consacrée au Grand Condé était en cours de tournage, Stéphane Bern a eu la gentillesse de citer l’engagement de la fondation La Marck avant de prendre un marteau pour aider le tapissier en plein travail ! A Pâques 2022, le chantier était achevé et les tableaux restaurés (ainsi que leurs cadres) à nouveau accrochés.

 

© Musée Condé / Mathieu Deldicque

 

Compte tenu de l’excellence de l’équipe qui nous gratifie de superbes expositions, nous ne nous sommes pas bornés à ce chantier mais leur avons offert en mai 2021 le nécessaire de voyage de la duchesse d’Aumale qui passait en vente chez Coutau-Bégarie. Il s’agit d’un nécessaire de toilette de 27 pièces en cristal avec montures en vermeil, aux armes d’alliance des Orléans et Bourbon-Siciles. Il a été fabriqué par la maison Aucoc, fournisseur de la cour, vers 1850, et est maintenant présenté dans le cabinet de toilette de la duchesse.

 

Photo : Coutau-Bégarie

 

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Ce don a été suivi en mai 2022 d’une acquisition de grande importance pour le musée Condé : le buste en porcelaine de Chantilly de Louis XV, présenté par Audap le 10 et estimé 40 à 60.000. On sait que le prince de Condé avait commencé des essais de fabrication de porcelaine entre 1725 et 1730, puis construit une manufacture sur un terrain situé en ville (ancienne rue du Japon) et placé à sa tête un chimiste venu de celle de Saint-Cloud, Cicaire Cirou. On y travaillait la porcelaine tendre (sans kaolin) en utilisant des matières premières locales qui ont causé quelques difficultés avant d’arriver à un résultat satisfaisant. Parmi les productions emblématiques de la manufacture : les brindilles bleues sur fond blanc, le style kakiémon et les fonds quadrillés de bleu. A partir de 1735, forte d’un privilège royal, la manufacture s’est lancée dans des pièces de forme virtuoses, comme ce magot barbu qui avait atteint un prix record à la vente Daguerre du 11 mars précédent. Autant dire que nous étions inquiets quand nous avons su qu’un buste de Louis XV en porcelaine blanche, signé CC (Condé Chantilly, Cirou Chantilly ou Cicaire Cirou ?) et daté de 1745, allait passer en vente. Il avait été façonné à partir d’un modèle de Jean-Baptiste II Lemoyne.

 

© RMN-Chantilly, Adrien Didierjean

 

La cuisson de pièces de cette taille (ici 34,5 cms) est un tour de force et l’on n’imagine pas le nombre d’échecs subis. On a d’abord des problèmes de couverte inhérents à la porcelaine tendre, qui risque la dévitrification selon la formule choisie (au plomb, stannifère ou alcaline), et la rapidité de cuisson et de refroidissement. Ici, la couverte est en émail stannifère, ce qui donne à la porcelaine une teinte légèrement crème. Les grosses pièces peuvent aussi éclater si justement on les cuit plus vite pour éviter le premier problème. L’invention du four à trois compartiments de Gérin en 1748 améliorera la situation, mais il n’est pas en service à l’époque où la manufacture réalise le buste du roi.

 

Avant 2022, tous les bustes de Louis XV en Chantilly connus étaient dans des musées américains, à Boston pour un exemplaire identique au nôtre (socle au lion couchant et cartouche rocaille, même signature), à Minneapolis avec un socle aux trophées guerriers, au Getty et à Hartford pour un buste un peu différent, avec un socle aux trophées guerriers et cartouche couronné. On ne craignait donc plus leur concurrence mais les 338.000 euros frais compris du magot passé en mars nous faisaient craindre le pire. A tort, car l’adjudication est restée dans la fourchette d’estimation. Le buste a été installé dans le cabinet des Porcelaines, à quelques encablures du cabinet des Clouet restauré par la fondation.

 

Le 25 novembre 2022, passait en vente chez Ferri la collection de Marcel Lecomte, né dans le monde de la gravure et devenu un de ses meilleurs experts. Cette grande figure de l’hôtel Drouot était entre autres un spécialiste de Lepère et de Laboureur. Le lot 97, Eugène Lami, La Vie de Château, deux suites de dix lithographies reliées en un volume in quarto oblong, a retenu notre attention. Sachant l’importance du rôle de Lami auprès du duc d’Aumale (il avait participé à l’aménagement de ses appartements privés à Chantilly), nous l’avons proposé à Mathieu Deldicque qui venait de prendre la suite de Nicole Garnier à la tête du musée Condé après l’avoir longtemps secondée. Il a accepté d’enthousiasme, d’autant qu’un deuxième nom est attaché à cet ouvrage, celui d’Alfred-Louis Beurdeley (1847-1919), troisième génération d’une célèbre dynastie d’ébénistes du XIXe qui ont eux aussi fourni le duc d’Aumale. C’est ce Beurdeley qui a fait relier l’ouvrage après avoir demandé à Lami d’en colorier à la main les lithos ainsi que l’atteste une lettre de l’artiste reliée à la suite et accompagnée de cinq dessins originaux, dont un aquarellé.

 

                         

 

Du coup, cet exemplaire a été répertorié dans le catalogue raisonné de Lami par P.A. Lemoisne et dans tous les ouvrages de bibliophilie de l’époque, Beraldi, Monod, Delteil… C’est Delteil qui l’a présenté lors de la vente de la collection Beurdeley en 1921, où il a obtenu un prix record. Ce ne fut pas le cas lors de la vente Lecomte où nous avons dû enclencher la procédure d’after sale.

 

Eugène Lami a été à la fois un peintre et illustrateur de talent toujours aussi recherché, et un décorateur attitré des grandes familles nobles et bourgeoises. Le musée Condé n’avait pas attendu cette acquisition pour lui rendre hommage à travers l’exposition Eugène Lami, peintre et décorateur de la famille d’Orléans, en 2019. Mais l’ouvrage dévoile une facette du personnage peu connue, car en fait de vie de château, c’est plus une satire féroce des bourgeois jouant au châtelain qu’il nous livre, comme s’il voulait se défouler par des représentations à la limite de la caricature des contraintes que lui faisaient subir ses riches clients. On comprend alors mieux que le duc d’Aumale ne l’ait pas acquis ! Il retrouve ici la verve de ses débuts et de ses Souvenirs de Londres.

 

Comme l’ouvrage était un peu mal en point, la fondation a pris en charge sa restauration. Il en valait la peine, car dans la version en vingt lithographies c’est presque un double unicum : seul à avoir été aquarellé par l’artiste et manquant à toutes les bibliothèques publiques !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

 

 

             

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