Le château d'Achy, au nord de Beauvais, a été racheté par les petits frères des Pauvres en 1952. Il était alors dans un triste état, pillé et dépouillé de ses ornements intérieurs, et pourtant, il s'agit d'un des plus beaux exemples de château brique et pierre du XVIIIe siècle dans l'Oise. Il avait été édifié vers 1744 par la famille de Carvoisin, qui avait reçu ce fief par mariage deux siècles plus tôt, et était passé par la suite entre les mains de leurs héritiers Clermont-Tonnerre.

Armand Marquiset, fondateur des petits frères des Pauvres, n'avait pas le premier sou pour financer cette acquisition, et son trésorier le lui fit savoir en démissionnant avec fracas, mais il était confiant et lui répondit: Dieu pourvoira, une formule qu'il a maintes fois utilisée par la suite. De fait, grâce à l'intervention de plusieurs donateurs, en quatre mois l'acquisition fut réglée. Mieux encore, un élan de solidarité permit de remeubler le château en deux ans.

L'objectif d'Armand peut surprendre ceux qui ne l'ont pas connu, ou ceux aussi qui ont une conception strictement comptable de la charité. Il est entièrement contenu dans sa belle formule : des fleurs avant le pain, qui est le titre d'un de ses livres. Pour lui en effet, plus que d'assurer la subsistance des anciens qu'il prenait en charge, il fallait leur donner ces bonheurs, petits ou grands, dont ils avaient été privés si souvent. D'où l'idée de leur offrir des vacances dans des châteaux où ils seraient choyés.

La bague de diamants résume toute la philosophie d'Armand. Il décida en 1954 que les anciens qui fêteraient leurs noces de diamant recevraient une bague de diamants. Folie, dirent certains, mais folie raisonnée : le joaillier Mellerio qui participait à l'opération serrait au maximum ses prix, voire même offrait les montures et utilisait des pierres de taille ancienne remontées par ses soins. Mais l'essentiel était là : c'étaient de vrais diamants ! Et le bonheur qu'Armand lisait dans les yeux de ses chers vieux couples justifiait totalement l'opération. C'est ainsi qu'un vieux ménage qui fêtait en 1954 ses noces de diamant fut promu à la dignité de prince et princesse d'Achy, et reçu en grande pompe au château avec déjeuner de quatre cents couverts, une multitude de cadeaux dont la fameuse bague, quantité de bouquets de fleurs et un feu d'artifice à la tombée de la nuit...

Au sein du château, vingt-quatre chambres ont été aménagées, toutes différentes et meublées avec goût. Il y a la chambre Louis XIV, la chambre Henri II, la chambre Empire, la chambre Louis XVI, l'appartement Louis XV... La chambre Henri II est équipée d'une alcôve avec lit à baldaquin. Je dors dans la plus belle chambre du château, la chambre avec lit à baldaquin, dit un jour avec fierté une vieille dame à ses voisins de table. La vie de château, nous aussi on a ça, entend-on aussi dire. Le droit au superflu, en quelque sorte, mais un superflu qui illumine leur fin de vie. Paul Guth a écrit à propos de ces séjours de vacances : Les siècles accumulés sur la tête des quinze vieillards suspendent un instant leur sommeil. Ils écoutent avec gratitude le ronronnement du poêle et le tintement de la vaisselle. La vie arrête ses batailles. Les petits frères protègent contre le vent, la faim, la solitude. Des anges circulent sur la Terre avec des fourchettes et des plats (cité par Gabriel Bertrand in Soyez la vie).

Soixante ans ont passé et les petits frères ont dû relever un défi majeur : adapter le château à la réglementation toujours plus tatillonne en matière d'accueil des handicapés, pas seulement le handicap moteur, mais aussi ceux visuel, auditif et mental. Les services de sécurité leur ont ainsi imposé deux ascenseurs de grande taille, des salles de bains et des chambres aux nouvelles normes, ainsi que toutes sortes de contraintes. Au terme d'une première et très coûteuse campagne de travaux, Achy a reçu le label Tourisme et Handicap en 2008. Le château est ainsi devenu une référence dans toute la Picardie pour l'accueil des handicapés et s'est ouvert à une clientèle extérieure à l'association, essentiellement en provenance des organismes sociaux. De résidence estivale, il a aussi évolué vers une résidence toutes saisons, mais toujours pour des courts séjours.

Une seconde campagne a commencé en 2013 avec les accès, également normalisés, les parkings, les terrasses, quelques dépendances et les chemins de promenade. Malgré le démembrement du domaine en 1952, Achy a la chance de conserver un superbe parc de près de vingt hectares, mais un peu laissé à l'abandon pendant des décennies, car il y avait d'autres priorités. On ne compte plus les arbres à abattre ou à élaguer, si l'on veut sécuriser le sous-bois, contenir l'écrin de verdure qui enserre le château et ménager des vues. Les bois sont parcourus de chemins qui font le tour de l'ancienne et imposante motte féodale et vont jusqu'aux étangs en contrebas. L'ensemble a un caractère très romantique et mérite d'être mis en valeur. Nous avons eu le privilège de pouvoir le visiter en compagnie de Gabriel Bertrand, qui fut le premier petit frère recruté par Armand Marquiset en 1948.

L'idée est donc de procéder à un nettoyage des bois pour ensuite y aménager des sentiers en sable de carrière utilisables par des personnes en fauteuil roulant. La fondation La Marck, qui est déjà intervenue pour les travaux récents, souhaite apporter aussi son soutien à ce projet, l'un des derniers prévus pour parachever l'énorme chantier de rénovation du domaine.

Château de Montguichet

En 2016, la fondation La Marck a apporté son soutien à un projet similaire visant le château de Montguichet à Gagny, en Seine-Saint-Denis, donc tout proche de Paris. C'est l'ancienne demeure familiale d'Armand Marquiset, le fondateur des petits frères des Pauvres, qui a décidé, dès 1950, d'y accueillir pour des vacances les personnes âgées démunies. Le parc de 23 hectares à l'origine a été réduit à 9 hectares, le reste ayant été cédé à un organisme qui s'occupe des enfants inadaptés.

Sur les 9 hectares du parc, trois promenades ont été créées en 2016-2017 : la promenade du Verger, qui mène à un ensemble d'arbres taillés de façon à rendre leurs fruits facilement accessibles, la promenade du Belvédère, d'où on bénéficie de vues étendues sur les vallons, et une dernière dans les bois. Toutes ont été conçues avec des pentes limitées, de façon à les rendre utilisables par des personnes en fauteuil roulant, et dotées de bancs solides et confortables.

La fondation La Marck a participé au financement de l'opération au côté du groupe AXA. Le château de Montguichet a reçu ces dernières années environ mille personnes par an pour de courts séjours. L'équipement du château lui permet d'accueillir aussi des personnes hospitalisées dans la région. Pour celles qui ont conservé une mobilité, ces sentiers sont un complément indispensable de leur séjour.