Dons au musée Jean de La Fontaine
Fondation La Marck
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Themes
Culture and Diversity -
Focus area
Cultural Heritage Conservation -
Status
Completed project -
Region
France
Un portrait présumé de Jean de La Fontaine, par l'artiste Gabriel Revel (1643-1712).
Ce musée est situé à Château-Thierry dans la maison de famille de La Fontaine, où le célèbre fabuliste est né le 8 juillet 1621. En examinant les ventes Rouillac qui se tiennent traditionnellement en juin au château d’Artigny, je suis tombé sur un portrait de La Fontaine par son ami Gabriel Revel qui passait le 19 juin 2022. Il faut savoir que le peintre appartient lui aussi à une famille de Château-Thierry et que les deux ont eu leur sort lié. Ici intervient un troisième personnage, de même origine, Jacques Jannart, oncle par alliance de La Fontaine après le mariage de ce dernier avec Marie Héricart. Ce juriste de haut niveau qu’était Jannart avait obtenu dans les années 1650 la charge de substitut du procureur général du Parlement, lequel procureur n'était autre que Nicolas Fouquet, qui cumulait cette charge avec celle de surintendant des Finances.
Alors que La Fontaine s’essayait à la poésie et cherchait un protecteur, Jannart l’a fait venir auprès de Fouquet qui l’a engagé. Voilà donc Jean de La Fontaine chargé à partir de 1657 de chanter les louanges du surintendant sous forme de poèmes de circonstance, dont le plus célèbre est Le Songe de Vaux, commencé en 1661 au moment de l’inauguration du château du même nom. La magnificence de ce château sera la cause de la chute de Fouquet, Louis XIV n’ayant pas supporté cet étalage de luxe. Pour ce gigantesque chantier, le surintendant avait engagé les meilleurs : l’architecte Louis Le Vau, le paysagiste Le Nôtre, le peintre Le Brun, tous personnages que le roi s’empressera par la suite d’utiliser pour Versailles.
Vers 1658, alors que commence l’aménagement intérieur de Vaux, pour renforcer l’équipe de Le Brun, Jannart et La Fontaine suggèrent à Fouquet de faire appel à un jeune qui s’essaie à la peinture, Gabriel Revel (1643-1712). Comme maître d’apprentissage, Gabriel ne pouvait rêver mieux. Il s’intègrera à l’équipe de Le Brun au point de le suivre à Versailles. Consécration ultime : il est reçu à l’Académie royale de Peinture en 1683 avec pour morceaux de réception les portraits des sculpteurs François Girardon et Michel Anguier. Il est de fait devenu un portraitiste renommé et a fini sa carrière à Dijon.
Gabriel REVEL (Château Thierry, 1643 - Dijon, 1712)
Portrait d'homme en surmanteau rouge
© Musée Jean de La Fontaine
Le portrait présenté à la vente Rouillac est daté de 1697. S’il s’agit d’un portrait du fabuliste, c’est donc un portrait posthume, peint deux ans après la mort de La Fontaine. Mais le spécialiste du peintre, Dominique Brême, a émis des doutes sur le fait qu’il s’agisse de son portrait, en se basant sur le portrait de référence, celui de La Fontaine par Rigaud. Sur l’original du Rigaud on hésite entre la version ovale qui est à Carnavalet et celle venant de la famille Héricart de Thury donnée au musée du monastère de Montserrat avec un portrait de l’épouse du fabuliste, Marie Héricart, attribué à Gabriel Revel par Dominique Brême. Le tableau de la vente Rouillac était donc présenté comme un portrait présumé en raison des différences constatées, ce malgré la tradition familiale des vendeurs.
On note toutefois que le nez si caractéristique est le même. C’est surtout la physionomie générale qui change. Chez Rigaud, on remarque l’expression mélancolique et désenchantée, les traits las, le regard lucide du modèle, nous dit Ariane James-Sarazin, pour un portrait qui est datable de la fin de sa vie (sur les registres de Rigaud à la date de 1690). Si Gabriel Revel a voulu rendre hommage à son ami après sa mort, il est légitime de penser qu’il a préféré le représenter en pleine possession de ses moyens, alors qu’il commençait l’écriture des Fables par exemple. Le même Dominique Brême nous dit dans une étude sur Gabriel Revel, collaborateur champenois de Le Brun à Versailles que le peintre affectionnait de traiter ses modèles avec bonhomie. Or c’est bien la bonhomie souriante et une forme d’indulgence rêveuse que reflètent les traits du personnage. C’est tout à fait l’image que devait donner le fabuliste avant les épreuves financières et les rebuffades qu’il a subies. S’il s’agit bien comme on peut le penser d’un portrait posthume de La Fontaine, c’est un témoignage oh combien émouvant !